LITTÉRATURE

LITTÉRATURE

PEDIGREE



Résumé
Ce roman est un récit à la première personne relatant les souvenirs d'enfance, d'adolescence et de jeunesse de Patrick Modiano. N'ayant guère le goût de l'autobiographie, il a adopté le ton du constat tout en conservant leur véritable identité à la plupart de ses personnages. Une sorte d'interrogatoire de soi-même par soi. Rarement un livre aura été aussi espéré et attendu, même si la vérité d'un créateur et d'un artiste s'exprime plus souverainement dans la fiction que dans les faits.

Morceau choisi
« Je suis né le 30 juillet 1945, à Boulogne-Billancourt, 11 allée Marguerite, d’un juif et d’une Flamande qui s’étaient connus à Paris sous l’Occupation. J’écris juif, en ignorant ce que le mot signifiait vraiment pour mon père et parce qu’il était mentionné, à l’époque, sur les cartes d’identité. Les périodes de haute turbulence provoquent souvent des rencontres hasardeuses, si bien que je ne me suis jamais senti un fils légitime et encore moins un héritier. Ma mère est née en 1918 à Anvers. Elle a passé son enfance dans un faubourg de cette ville, entre Kiel et Hoboken. Son père était ouvrier puis aide-géomètre. Son grand-père maternel, Louis Bogaerts, docker. Il avait posé pour la statue du docker faite par Constantin Meunier et que l’on voit devant l’hôtel de ville d’Anvers. J’ai gardé son loonboek de l’année 1913, où il notait tous les navires qu’il déchargeait: le «Michigan», l’«Elisabethville», le «Santa Anna»… Il est mort au travail, vers 65 ans, en faisant une chute. […] Je suis un chien qui fait semblant d’avoir un pedigree. Ma mère et mon père ne se rattachent à aucun milieu bien défini. Si ballottés, si incertains que je dois bien m’efforcer de trouver quelques empreintes et quelques balises dans ce sable mouvant comme on s’efforce de remplir avec des lettres à moitié effacées une fiche d’état civil ou un questionnaire administratif. Mon père est né en 1912 à Paris, square Pétrelle, à la lisière du 9e et du 10e arrondissement. Son père à lui était originaire de Salonique et appartenait à une famille juive de Toscane établie dans l’Empire ottoman. La débâcle de juin 1940 le surprend dans la caserne d’Angoulême. Il n’est pas entraîné avec la masse des prisonniers, les Allemands n’arrivant à Angoulême qu’après la signature de l’armistice. Il se réfugie aux Sables-d’Olonne, où il reste jusqu’en septembre. Il y retrouve son ami Henri Lagroua et deux amies à eux, une certaine Suzanne et Gysèle Hollerich, qui est danseuse au Tabarin. »

Morceau choisi
« Au quatrième étage, mon père avait un bureau. Il s'y tenait souvent avec deux ou trois personnes. Ils étaient assis dans les fauteuils ou sur les bras du canapé. Ils parlaient entre eux. Ils téléphonaient chacun à son tour. Et ils se lançaient l'appareil les uns aux autres, comme un ballon de rugby. »