LITTÉRATURE

LITTÉRATURE

Amélie NOTHOMB



REPORTAGE

Regarde ce reportage :  

Quel rapport Amélie Nothomb a-t-elle avec ses lecteurs ?
Pourquoi les medias parlent-ils de "phénomène" à son sujet ?


Amélie NOTHOMB

Amélie NOTHOMB

Amélie Nothomb, née le 13 août 1967 à Kôbe au Japon, est une écrivaine belge francophone. Elle partage sa vie entre la France et la Belgique.

« Issue d'une famille de la petite aristocratie où la politique et la littérature ont toujours fait bon ménage, elle a atteint, pratiquement depuis son premier récit, Hygiène de l'assassin (1992), un lectorat que n'ont jamais connu ses ancêtres. Sa production oscille entre les textes à contenu plus ouvertement autobiographiques comme Le Sabotage amoureux (1993) ou Stupeur et tremblements (1999) et des récits plus fictionnels tels Mercure (1998) ou Les Combustibles (1994), une pièce de théâtre. Chez cet écrivain, une forme de cruauté et d'humour se mêle à un romantisme qui plonge dans l'univers actuel. »

Son premier roman, Hygiène de l'assassin, est un ouvrage presque uniquement composé de dialogues entre un prix Nobel incompris et des journalistes, la discussion virant à l'interrogatoire. Amélie Nothomb y montre un art de plaire et d'interroger, de montrer du doigt à la fois les petits défauts humains et les horreurs dont ils sont capables. Depuis 1992, elle a publié, aux Éditions Albin Michel, un livre par an soit vingt romans à ce jour. « Tous les ans, à la rentrée, il y a deux événements majeurs : les vendanges et la sortie du Nothomb. Cette année, le raisin est en avance, mais l'Amélie est à l'heure ». Ses écrits sont traduits dans trente-sept langues à travers le monde.

AUDIO


UNE FORME DE VIE

Une forme de vie

Amélie NOTHOMB

Quotidiennement sollicitée par du courrier de ses lecteurs, Amélie va un jour tomber sur une lettre inattendue… Un G.I coincé en Irak l’appelle au secours pour tenter de survivre dans cette drôle de guerre. Pour se rebeller, ce white trash se goinfre de junk-food, arborant sa graisse comme une amoureuse enveloppante. Mue par son instinct de Saint-Bernard, l’écrivain lui répond en lui parlant de body-art. S’ensuit une relation épistolaire étrange…





Pour lire le premier chapitre
: http://www.livredepoche.com/annonces/contenusite/Prem-chap-une-forme-de-vie.pdf

Extrait :


Ce matin-là, je reçus une lettre d’un genre nouveau :

Chère Amélie Nothomb,

Je suis soldat de 2e classe dans l’armée américaine, mon nom est Melvin Mapple, vous pouvez m’appeler Mel. Je suis posté à Bagdad depuis le début de cette fichue guerre, il y a plus de six ans. Je vous écris parce que je souffre comme un chien. J’ai besoin d’un peu de compréhension et vous, vous me comprendrez, je le sais.

Répondez-moi. J’espère vous lire bientôt.

Melvin Mapple

Bagdad, le 18/12/2008

Je crus d’abord à un canular. A supposer que ce Melvin Mapple existe, avait-il le droit de m’écrire de telles choses ? N’y avait-il pas une censure militaire qui n’eût jamais laissé passer le « fucking » devant « war » ?

J’examinai le courrier. Si c’était un faux, l’exécution en était remarquable. Une timbreuse américaine l’avait affranchi, un cachet irakien l’avait estampillé. Ce qui faisait le plus vrai était la calligraphie : cette écriture américaine de base, simple et stéréotypée, que j’avais tellement observée lors de mes séjours aux Etats-Unis. Et ce ton direct, d’une légitimité indiscutable.

Quand je ne doutai plus de l’authenticité de la missive, je fus frappée par la dimension la plus incroyable d’un tel message : s’il n’y avait rien d’étonnant à ce qu’un soldat américain vivant de l’intérieur cette guerre depuis le début souffre « comme un chien », il était hallucinant qu’il me l’écrive à moi.

Comment avait-il entendu parler de moi ? Certains de mes romans avaient été traduits en anglais et avaient eu aux Etats-Unis un accueil plutôt confidentiel, cinq années auparavant. J’avais déjà reçu sans surprise des plis de militaires belges ou français qui, le plus souvent, demandaient des photos dédicacées. Mais un 2e classe de l’armée américaine basé en Irak, cela me dépassait.

Savait-il qui j’étais ? A part l’adresse de mon éditeur correctement libellée sur l’enveloppe, rien ne le prouvait. « J’ai besoin d’un peu de compréhension et vous, vous me comprendrez, je le sais. » Comment pouvait-il savoir que moi, je le comprendrais ? A supposer qu’il ait lu mes livres, ceux-ci étaient-ils les témoignages les plus flagrants de la compréhension et de la compassion humaines ? Tant qu’à être une marraine de guerre, le choix de Melvin Mapple me laissait perplexe.

D’autre part, avais-je envie de ses confidences ? Tant de gens déjà m’écrivaient leurs peines en long et en large. Ma capacité à supporter la douleur d’autrui était au bord de la rupture. De plus, la souffrance d’un soldat américain, cela prendrait de la place. Contiendrais-je un tel volume ? Non.

Melvin Mapple avait sûrement besoin d’un psy. Ce n’était pas mon métier. Me mettre à la disposition de ses confidences serait lui rendre un mauvais service, car il se croirait dispensé de la thérapie dont six années de guerre avaient dû engendrer la nécessité.

Ne pas répondre du tout m’eût paru un rien salaud. Je trouvai une solution médiane : je dédicaçai au soldat mes livres traduits en anglais, je les empaquetai et les lui postai. Ainsi, il me sembla avoir fait un geste pour le sous-fifre de l’armée américaine et j’eus ma conscience pour moi.

Plus tard, je songeai que l’absence de censure militaire s’expliquait sans doute par la récente élection de Barack Obama à la présidence ; certes, il n’entrerait en fonction que plus d’un mois après, mais ce bouleversement devait déjà produire ses effets. Obama n’avait cessé de prendre position contre cette guerre et de déclarer qu’en cas de victoire démocrate, il rappellerait les troupes. J’imaginais le retour imminent de Melvin Mapple dans son Amérique natale : mes fantasmes le voyaient arriver dans une ferme confortable, entourée de champs de maïs, ses parents lui ouvrant les bras. Cette idée acheva de m’apaiser. Comme il n’aurait pas manqué d’emporter mes livres dédicacés, j’aurais indirectement contribué à la pratique de la lecture dans la Corn Belt.

Article



A Partir de ta lecture du premier chapitre, analyse cette réflexion d'Hélène FLAUX :

"A l'heure où internet demeure inconnu de la romancière, elle expose pourtant des problématiques bien semblables à celles des rencontres dites "virtuelles". Quelle place pour quelqu'un qui entre dans votre vie par le biais de l'écrit ? Quelle relation en découle ? Est-ce une relation ? Véritable et humaine ? Autant de questions auxquelles l'écrivain répond pour elle-même, rappelant que s'il est par dessus tous les autres un écrit destiné à être lu, c'est bien la lettre..."



Entretien Une forme de vie

CITATIONS CHOISIES

Citations choisies de l’entretien audio Autrement dit,
entre Laureline Amanieux et Amélie Nothomb.

« Je pense sous forme de dialogues. »
 
« J’essaie d’analyser ce que les gens se disent et de voir ce qu’il se passe entre eux par le langage »

« Le sujet de base de tous mes livres, c’est ce qui va se passer entre les êtres humains. »

« Plus un sujet est grave, plus je ne peux l’aborder qu’avec distance (…) cette distance induit un certain
comique. »

« L’écriture est d’abord un acte physique (…) avant toute chose, il faut avoir un corps et un corps
d’athlète. »

« La garantie morale de l’écriture, c’est la jouissance. »

« J’écris à partir de ce qui me déchire et je me déchire en écrivant. »

« Quand j’écris, je me sens absolument hermaphrodite. »

« Je suis quand même le dieu de tout cela. »

« J’exprime quelque chose qui est cassé.»

« Je ne peux faire les choses qu’en partie double. »

« C’est le rêve du romancier de pouvoir modifier le cours du temps. »

« Il ne faut priver ses personnages de rien, il faut leur donner tous les luxes.»

« Le grand danger, c’est toujours de dire que le mal, c’est l’autre. »

« Pour moi, écrire, c’est indiquer la frontière sur la carte. Jusque-là on peut aller, et à partir de là, il n’y
aura que du silence. Je vous indique à partir de quand le territoire devient lacunaire, à partir de quand
vous n’avez plus le droit d’aller. »

« Le silence commence là où commence la douleur. »

« Le style, c’est le moment du combat. »

« Le corps, c’est notre barrière contre le mal. »

« Je suis une japonaise ratée. »

« Mon double dans les romans a beaucoup plus d’existence que moi. »

« Je pense qu’un manuscrit est réussi si sa signature est de l’ordre du pléonasme. »

« On a effroyablement besoin de sens, et la littérature est une des rares choses qui puisse donner du
sens. »

« Le fin mot de tout ça, c’est l’amour ; écrire est un acte d’amour. »